Wassily Kandinsky « Composition VIII » 1923

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Analyse de la toile

Composition VIII représente une des toiles majeures peinte par Wassily Kandinsky durant sa période d’enseignant à l’atelier de peinture murale au cours du Bauhaus à Weimar durant la période 1922-1925, sous l’influence grandissante des constructivistes et des suprématistes.

Ici, Wassily   Kandinsky adopte un style géométrique avec des couleurs plus froides, et combine l’émotionnel avec l’analytique, l’intuitif avec le rationnel, le mystique avec le constructivisme.

J’ai choisi cette toile car elle était représentative de la période du Bauhaus et qu’elle synthétisait la pensée de Kandinsky, tant au niveau de la théorie des couleurs que de la dynamique graphique (théorie des formes).

Impression générale de la toile

La première impression est la sensation d’une composition à la fois rythmée et calme aux tons plutôt froids.  Ce qui accroche l’œil de toute évidence est ce gros cercle noir en haut à gauche (c’est comme le point de départ de la construction linéaire de la composition).

Il est très dense, lourd, avec une aura de couleur mystérieuse, et sert de point de référence aux cercles de tailles plus réduites.  Cette suite de cercles forment une construction « extérieure » et contrastent avec les lignes plus fines, légères et répétitives, ainsi qu’avec ce grand triangle sur fond blanc.

Il y a un mouvement rythmé, un dynamisme « tempéré » flottant dans un espace indéfini qui forme contrepoint avec ce gros cercle en haut a gauche.  Il y a comme une pulsation intérieure d’intensité dramatique au sein d’un cosmos rendu par l’ensemble de tous les cercles.  On a l’impression que les éléments avancent et reculent, se rencontrent mais sans se confronter vraiment, d’où l’impression de calme.

Procédés techniques

  1. a.     la composition :

Par lignes :

–       en grande majorité des obliques (ton chaud-froid)

  • 39 lignes montantes (point haut à droite)
  • 31 lignes  descendantes (point haut à gauche),

–       puis des horizontales(ton froid environ 17),

–       puis des verticales(ton chaud environ 7).

Par arrondis : Il y a quelques demi cercles, des courbes, une ligne ondulée.

Par plans :

On peut distinguer un avant plan dans les cercles et la couleur bleue (partie gauche basse de l’œuvre), et un arrière plan dans les lignes obliques, les formes plus petites et damiers du centre et du quart en haut et à droite de la composition.

Par groupes :

–       Un grand cercle qui irradie et donne naissance à toute une série de cercles.

–       Un grand triangle prédominant, vertical sur fond blanc et 3 triangles plus trois triangles très allongés comme des flèches.

Par symétries : à priori, il n’y en a pas.

b.     la perspective

On retrouve quelques embryons de perspectives dans le groupement d’obliques fuyant vers un même point (en rouge), mais cela ne concerne pas toutes les obliques (les obliques en bleu, par ex.)
Pour l’un de ces embryons, l’effet perspectif est renforcé par l’ondulation, qui diminue d’amplitude et augmente de longueur d’onde vers le point de fuite.  Le point de fuite de cette perspective est matérialisé par

un carré rouge sur le tableau

c.     les formes :

Sont géométriques simples, c’est-à-dire des cercles, demi-cercles, des angles, des triangles, lignes droites, courbes ou ondulée, des grilles rappelant un échiquier et des carrés.  Il y a aussi quelques formes acérées comme des pointes.

d.     la couleur :

Noir, blanc, rouge, jaune et bleu principalement, puis rose, brun, vert, gris, orangé, mauve ensuite. La gamme est plutôt restreinte, les couleurs plutôt froides, claires, pâles.  Kandinski utilise des couleurs opposées (suivant sa théorie des couleurs) c’est-à-dire le bleu avec le jaune, le noir et le blanc, l’orangé et le violet.

e.     facture picturale :

Elle est lisse et unifiée (les coups de pinceaux ne sont pas visibles), pour faire ressortir la composition.  On retrouve

–       des aplats de couleurs

–       des motifs de hachures pour certains damiers.

–       Des dégradés (auras autour des cercles)

–       Des liserés de couleurs pour souligner certains traits noirs

Effets recherchés

Wassily Kandinsky utilise différentes couleurs dans les formes pour rendre un rythme à la géométrie.

Il y a comme une pulsation, une musicalité, un peu comme dans les œuvres de Piet Mondrian dans sa période Boogie-Woogie.

 

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« Broadway Boogie-Woogie » 1942-1943

Les couleurs dans les formes énergisent la géométrie !  Par exemple un cercle jaune avec un halo bleu qui contraste plus loin avec un cercle bleu avec un halo jaune.

Le jaune est la couleur chaude, terrestre, qui irradie, sort des limites, avance vers le spectateur tandis que le bleu est la couleur froide, céleste, concentrique, qui recule.

Ailleurs, on a un angle droit rempli de bleu et plus loin un angle aigu rempli de blanc.

Le fond renforce aussi le dynamisme de la composition qui semble s’imposer dans un espace indéfini.  La profondeur du plan est rendue par les couleurs (très diluées) : lumière bleue en bas, lumière jaune en haut et blanche au milieu.  Les formes semblent avancer et reculer (rendu par la couleur jaune qui avance et le bleu qui recule par exemple) mais aussi « flotter » dans cet espace indéfini un peu comme cette autre toile de Kazimir Malevitch où des formes abstraites semblent flotter dans un espace indéfini ; ici Malevitch réalise son désir de représenter le dynamisme et l’espace dans une image à deux dimensions).

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« Peinture suprématiste » 1916 1917

 

Au centre de la composition de Kandinsky le grand triangle aigu sur fond blanc ainsi que toutes les fines lignes obliques et répétitives amènent une pulsation compliquée à intensité « dramatique ».

La construction décentrée, renforcée par les perspectives fuyant vers la droite, a servi ici l’intention de renforcer la résonance dramatique.

Toutes les formes géométriques « bougent » et interagissent entre elles sans jamais se confronter directement.  Il n’y a donc pas de tensions fortes comme dans la toile « Sur blanc II » ou l’on assiste à la tension entre deux diagonales émanant d’un fond presque carré dont le blanc donne son titre au tableau.

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« Sur blanc II », 1923

L’originalité de la pensée de Kandinsky dans le contexte culturel de l’époque

Le Bauhaus :

« L’essence de la vie est la métamorphose perpétuelle »

 

C’est une période fondamentale pour Wassily  Kandinsky où il va expérimenter toute sa théorie des formes et publier son livre « Point et ligne sur plan ».  L’originalité de Kandinsky est de réfléchir non pas sur les formes existantes mais sur leur naissance.

Il part du point.  C’est l’image graphique de l’union du silence et de la parole.  Il s’agit d’un passage, comme si le zéro matériel était la condition pour le départ de la parole, de l’écriture, pour le début du geste créateur.

Le cercle quant à lui est l’aboutissement de tous les processus d’engendrements.  De là l’importance que lui accorde Kandinsky.

 

Comme Mondrian, Kandinsky observe donc que la ligne verticale a une résonance de chaleur et la ligne horizontale une tonalité froide.  Il est important de dire que si Kandinsky théorise c’est toujours après coup !  L’intuition, la nécessité intérieure, l’élan sont premiers.  La théorie s’efforce de dégager des notions que l’artiste découvre par l’expérience et qu’il vérifie soigneusement (et donc Kandinsky parle de sciences des arts).

La recherche la plus importante de Kandinsky est de vouloir créer une peinture qui cherche à créer un sentiment dans l’esprit du spectateur.  Il dit, je cite « le contenu de l’œuvre est ce que le spectateur éprouve sous l’effet des formes et des couleurs ».

Dans la « spiritualité dans l’art », Kandinsky parle de la nécessité intérieure qui pousse le peintre dans son travail de création et si la peinture ne vient pas de cette nécessité intérieure elle se dérobe à sa vocation qui est d’élever l’humanité pour la rendre meilleure.

Dans le même ordre d’idée, le sculpteur allemand Joseph Beuys parle de guérison par le mouvement artistique du trauma des deux grandes guerres.  C’est la circulation au niveau des idées et au niveau artistique qui crée un mouvement nourricier menant à la prise de conscience qu’il est possible de métamorphoser la société en quelque chose de meilleur.

 

Tous deux étaient d’ailleurs des enseignants d’exception !

Dans la pratique de l’atelier

La façon d’utiliser les formes et les couleurs de Kandinsky m’inspire dans ma pratique à l’atelier.

Je peins presque toujours en partant du modèle et m’en inspire pour démarrer la toile mais il arrive que la forme du départ s’ouvre vers quelque chose de plus abstrait où les couleurs prennent de plus en plus d’importance.  C’est comme si les couleurs parlaient plus que le modèle du départ.  J’utilise de la peinture acrylique, des pinceaux de largeurs différentes et aussi des petits rouleaux en mousse à carrés, points, lignes, etc.…

Quand j’utilise les rouleaux, je peins souvent un trait vertical, un trait horizontal, un trait vertical, etc. …  Je superpose les couleurs au fur et a mesure de façon à faire apparaître des formes de couleurs différentes sur la toile.  Parfois cela donne un aspect un peu ludique, d’autres fois il arrive que des petits carrés soient éparpillés ou dispersés autour d’une forme qui partait du modèle.

 

Bibliographie

Ouvrages imprimés

DÜCHTING H. Vassily Kandinsky, éditons Benedikt Taschen, Cologne, 1990

FARTHING S. (sous la direction de), Les 1001 tableaux qu’il faut avoir vu dans sa vie, éditions Flammarion, 2007

FARTHING S. (sous la direction de), 501 artistes peintres, sculpteurs, plasticiens, Omnibus, département de Place des éditeurs, 2009

FAUCHEREAU S., Kandinsky, collection « découvrons l’art du XXème siècle, éditions Cercle d’Art, Paris, 1999.

FRIEDEL H & HOBERG A. (sous la direction de), Vasily Kandinsky, éditions Prestel, Munich, 2008

KANDINSKY, Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, collection folio/essais n° 72, Editions Denoël, 1989.

KANDINSKY W., Point et ligne sur plan, collection folio/essais n° 168, Editions Gallimard, 1991.

LEMOINE S., Mondrian et De Stijl, éditions Hazan, Paris, 1987

OTTOLENGHI M.-G. (documentation par), Tout l’œuvre peint de Mondrian, collection « Les classiques de l’Art », éditions Flammarion, Paris, 1976

SERS P. Comprendre Kandinsky, collection Archigraphy Poche, Infolio éditions, CH – Gollion, 2009

Sites internet

HARDEN M. Kandinsky : compositions, février 2011, http://www.glyphs.com/art/kandinsky/

KLEINFELDER K., 20th Century Art History Tutorials – Art History 438/538 1900-1945, février 2011, http://www.csulb.edu/~karenk/20thcwebsite/438final/ah438fin-Info.00032.html

MORISSET V. Vassily Kandinsky, collection « Dossiers pédagogiques – Collections du Musée », Centre Pompidou, 2008, http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-kandinsky-mono/ENS-kandinsky-monographie.html

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