L’influence des estampes japonaises d’Utamaro
Kitagawa dans la peinture et les dessins de
Gustave Klimt
Utamaro Kitagawa (1753-1806)
Contexte historique
Après deux siècles d’isolement, le Japon va s’ouvrir au monde occidental dès 1860 (exposition universelle de Londres en 1862) et l’art des Ukiyo-e va profondément influencer les impressionnistes européens et les artistes de la Sécession Viennoise, dont Gustave Klimt.
Apports stylistiques de Utamaro
Utamaro Kitagawa était un remarquable spécialiste de la technique de la gravure sur bois et devint célèbre pour ses portraits de jeunes femmes saisies dans les gestes de la vie quotidienne ainsi que pour ses très beau livres et œuvres sur la nature (insectes, oiseaux, coquillages,…).
L’ukiyo-e est l’école du monde vivant, c’est l’image du monde éphémère, du monde flottant et qui décrit les plaisirs de la vie quotidienne. Les apports stylistiques de Utamaro sont l’utilisation d’un cadrage audacieux avec des visages en gros plan ou en buste visant à la ressemblance, l’utilisation de fonds micacés (kira-e) et le traitement de la chevelure d’un noir dense et d’une grande virtuosité.
L’ornementation chez G. Klimt, influencée par les maîtres de l’Ukiyo-e (frise du palais Stoclet).
C’est l’une des estampes qui a le plus influencé Gustave Klimt (ref. : les estampes japonaises de Nelly Dellay).
Dans la gravure sur bois, la figure humaine semble dévorée par l’ornement et cela influence Klimt.
Dans la frise du palais Stoclet, l’ornemental devient un principe de composition qui est nourri de plusieurs influences : japonaise, orientale, byzantine et italienne (voyage de Klimt à Venise et Ravenne).
De sa précieuse collection d’ukioy-e, Klimt va retenir le goût de la ligne comme trait et les aplats de couleur, qui vont rendre les portraits stylisés quasi-indifférents alors que l’ornementation acquiert une extraordinaire valeur personnelle (en lien avec l’inconscient féminin, la terre nourricière et féconde). Sous l’influence des maîtres japonais, il élimine le volume de la figure humaine et les deux corps de l’accomplissement sont fondus ensemble comme au Japon. Les branches et les rameaux e l’Arbre de Vie se déploient sur la totalité du fond de l’œuvre tel un paravent oriental.
La grille comme outil de fragmentation de l’espace
Œuvres de Utamaro (Femmes qui attendent en s’entretenant derrière des grilles coulissantes), Hokusai (vue du Fuji) et leur influence sur Le Bois de hêtres de Gustave Klimt.
Les structures en grille ainsi que les grands murs grillagés faits de troncs d’arbre disposés au premier ou second plan est une technique de l’art japonais qui permet de représenter l’infinie diversité de la nature mais également aboutit à une composition où la troisième dimension est éliminée au profit d’un espace proche presque tangible.
Chez Klimt le grillage est fait de troncs d’arbres qui sont coupés net par le tableau, mais en même temps il relie les arbres entre eux par des motifs colorés en noir et gris. Le sol est tacheté de plusieurs couleurs : brun-rouge, bleu et jaune. Ici le est champ visuel très limité contrairement à Hokusai où au-delà des troncs d’arbres qui paraissent très proches on a une vue plongeante sur le mont Fuji. Et à l’intérieur de la composition de Klimt les arbres s’échelonnent de manière plus souple ce qui adoucit quelque peu la rudesse du tableau. On sent l’espace très proche, presque palpable…
L’influence de la silhouette et le contraste pleins/vides chez Utamaro
Œuvres de Utamaro (Rêverie d’amour), à comparer à La dame au chapeau à plumes de G. Klimt.
Utamaro, vers 1794-1795, va développer une technique appelée impression sur fond micacé (kira-e) et une impression «brillante» qui sur les parties sombres (comme la chevelure) va donner une brillance comme de la laque. Ici la coiffure très noire est très travaillée avec ses peignes et épingles à cheveux et apparaît d’emblée comme forme décorative prédominante qui se détache par rapport au fond clair.
Chez Klimt, c’est le proéminent chapeau noir qui domine la composition et représente la forme décorative qui contraste avec l’ensemble du reste de la composition aux tons clairs. Le visage prend une expression plus abstraite, perdu dans ses rêveries et pensées. On peut aussi remarquer la finesse des lignes du visage et la pose assez particulière de la main tout comme chez Utamaro.
Gustave Klimt a réalise quelques très beaux dessins de femmes en kimono ainsi que femme assise. Dans le dessin, le trait est fin et sensible, le corps est sans volume et sans ombres. Comme dans les figures japonaises, l’ornement se déploie sur toute la surface et l’humeur de la jeune fille toute absorbée par ses pensées paraît paisible.
Conclusions
La culture de l’estampe n’aura de cesse d’influencer les artistes européens dont Gustave Klimt de par différentes techniques :
Traitement des couleurs en aplats, déformation de la perspective par divers moyens (utilisation de la diagonale, fragmentation de l’espace par la grille (cloison ou troncs d’arbres), aspect décoratif et ornemental, utilisation du trait fin et de la ligne courbe, virtuosité des couleurs très pures et beaucoup de fraicheur et délicatesse, utilisation de la silhouette noir et du contraste pleins/vides, absence de volumes et d’ombres dans les figures humaines,…